Mais Orange ne semble pas prêt à lâcher l'affaire et à saisi le conseil d'état pour essayer d'invalider cette décision de l'ARCEP.
Orange a t'il des chances d'obtenir gain de cause? Rien n'est moins sûr. Nous vous livrons notre analyse.
Orange ne range pas les armes
En effet, Orange fait valoir deux arguments pour défendre son point de vue:
- Ils s'estiment lésés par cette décision, car elle permet à Bouygues Telecom, du moins dans un premier temps, de prendre de vitesse ses concurrents et de déployer plus rapidement la 4G LTE. C'est ainsi que Bouygues Telecom annonce une couverture de plus de 100 villes et 40% de la population dès Octobre 2013, grâce à ces fréquences 1800MHz.
- Ils prétendent ne pas avoir été prévenus en amont de la mise en vente, aux enchères, des fréquences 800MHz et 2600MHz fin 2011.
Qu'en est il réellement? Orange a t'il des chances d'obtenir gain de cause?
Dans les faits, Orange a peu de chances (pour ne pas dire aucune) d'obtenir gain de cause pour les raisons suivantes:
- La demande de Bouygues Telecom a été fait conformément aux directive européenne 2009/136/CE et 2009/140/CE (cf http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:337:0011:0036:fr:PDF et http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2009:337:0037:0069:FR:PDF), et à sa transposition dans le droit national dans l'ordonnance du 24 août 2011 (voir article 59 - http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000024502658&categorieLien=id), qui stipule, je cite:
"Le titulaire d'une autorisation d'utilisation de fréquences radioélectriques qui a été attribuée avant la promulgation de la présente ordonnance et qui reste valide pour une durée de cinq ans au moins après le 25 mai 2011 peut demander avant le 24 mai 2016 à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes de réexaminer les restrictions d'utilisation des fréquences prévues dans son autorisation au regard des dispositions des II et III de l'article L. 42 du code des postes et des communications électroniques. L'Autorité procède à ce réexamen afin de ne maintenir que les restrictions nécessaires en vertu de ces dispositions. Un décret en Conseil d'Etat détermine les modalités de ce réexamen."
Cela signifie que les opérateurs, dont Orange, savaient depuis 2009 que cette possibilité leur était offerte et que donc n'importe lequel d'entre eux pouvait y avoir recours à un moment où un autre.- De plus, y compris dans la consultation qui a précédé l'appel d'offre lors de la mise en vente des fréquences 800MHz et 2600MHz cette question est évoquée (source: ARCEP - Consultation publique - Modalités d’attribution des bandes de fréquences 800 MHz et 2,6 GHz pour le déploiement de réseaux mobiles à très haut débit - Page 64).
- L'état a défini une redevance 5,67 fois plus élevée pour la réutilisation du 1800MHz pour la 4G LTE qu'en 2G (3231€ par KHz duplex alloué en 4G LTE 1800MHz contre 571€ par KHz duplex alloué en 2G 1800MHz), et de ce fait, elle coute très chère à Bouygues Telecom (source: Décret N° 2013-238 du 22 mars 2013)
- Bouygues Telecom à dépensé lui même près de 904 millions d'euros pour acheter également des licences pour la 4G LTE 800MHz et 2600MHz, et d'ailleurs a déployé déjà un réseau 4G LTE 2600MHz dans 12 villes ouvert commercialement depuis Mai 2013 (source: ARCEP - Résultat de la procédure d'attribution des licences 4G 2.6GHz et ARCEP - Résultat de la procédure d'attribution des licences 4G 800MHz.
- Enfin, la loi, que j'ai rappelé dans le premier point, autorise parfaitement les opérateurs, tel que Orange, SFR ou encore Free, disposant de fréquences pour une autre technologie, à faire le même type de demande que celle faite par Bouygues Telecom (i.e: demander à réutiliser une de leurs fréquences pour la 4G LTE).
Et d'ailleurs, Orange a lui même utilisée cette possibilité au Royaume Unis via sa filiale Everything Everywhere (EE) (filliale à 50% d'Orange UK, et à 50% de T-Mobile UK), ce qui lui a permis de commercialiser des offres 4G LTE avant tous ses concurrents dans ce pays (O2, 3…etc), et ainsi d'avoir environ 1 an d'avance sur ses concurrents (source: Ofcom (NDLR: l'équivalent de l'ARCEP au Royaume Unis) confirms Everything Everywhere can refarm 1800MHz spectrum for LTE)
Un coup d'épée dans l'eau?
Bref, Orange tente ici le tout pour le tout, mais ils n'ont quasiment aucune chance de gagner.
Et c'est tant mieux pour nous, consommateurs. La France est déjà en retard sur le déploiement de la 4G LTE par rapport à d'autres pays du monde tel que les USA, le Canada, le Japon et bien d'autres. Le 1800MHz permettra à la France d'avoir un réseau 4G LTE étendu plus rapidement que prévu.
Et les opérateurs tel que Orange ou SFR feraient bien de faire de même, et demander à réutiliser le 1800MHz pour la 4G LTE, comme ils en ont parfaitement le droit, plutôt que de maintenir en vie un réseau 2G (900MHz et 1800MHz) qui n'a plus aucun intérêt sachant qu'on trouve des téléphones 3G à moins de 20€ nus (sans abonnement) et que la 3G peut couvrir tout aussi bien que la 2G si les opérateurs utilisaient totalement le spectre de 900MHz (actuellement répartie sur la 2G et la 3G) pour la 3G.
Orange et SFR pourraient faire de même s'ils avaient le courage de mettre fin progressivement à la 2G
Car en effet, la 2G est la seule chose qui empêche Orange ou SFR de faire la même chose que Bouygues Telecom. Sous prétexte qu'il y a encore beaucoup de clients équipé de terminaux seulement 2G.
Or ces opérateurs pourraient tout à fait faire le choix courageux de programmer l'extinction de leur réseau 2G et d'offrir gratuitement un téléphone 3G (tel que le ZTE F160) à tous leurs abonnés n'ayant qu'un téléphone 2G, moyennant réengagement de 12 ou 24 mois.
2 commentaires:
Excellente analyse.
Absolument vrai et très éclairant. La France a déjà suffisamment de retard en matière de déploiement de la 4G, sans encore ralentir le processus pour de basses chicanneries commerciales qui ne peuvent que mettre le réseau français en état d'infériorité au plan mondial (encore une fois...! et plus généralement d'ailleurs en matière de technologies de l'information... C'est sans doute cela "l'exception française" tellement vantée...).
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